La loi portant protection du secret des sources des journalistes a été adoptée la nuit dernière, à l’Assemblée nationale.
Ce principe consubstantiel à l’exercice de la profession est enfin inscrit dans la législation française, ses dispositions étant insérées dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse.
Il conviendrait donc de se réjouir mais, hélas, cette loi est imparfaite.
Le Syndicat National des Journalistes (SNJ), première organisation de la profession, qui milite activement depuis des années pour l’harmonisation du droit français avec la loi et la jurisprudence européennes, regrette en effet que le législateur n’ait pas voulu aller jusqu’au bout de sa logique.
Parmi les motifs de satisfaction, outre le principe proclamé que la protection des sources est d’intérêt public, le SNJ se félicite qu’il ne puisse y être « porté atteinte directement ou indirectement » sous peine de nullité de toute la procédure en cours. Il se félicite également qu’à tous les stades de la procédure, le journaliste puisse légalement taire ses sources.
Le SNJ rappelle qu’en réponse à ses demandes, c’est bien toute la chaîne d’information qui est couverte par cette loi, et non le seul journaliste. En matière de perquisition, les enquêteurs ne pourront plus librement saisir tout et n’importe quoi, puisque maintenant le journaliste peut s’y opposer.
Parmi les mauvais points, trop d’exceptions restent possibles à ce principe de secret des sources et trop de dispositions floues risquent d’ouvrir la voie à des interprétations divergentes des enquêteurs, du Parquet et des tribunaux. Le SNJ a pourtant rappelé aux parlementaires qu’une fois la source « éventée », le dommage commis était irréparable.
Pire, il n’y a rien sur les incriminations de recel du secret de l’instruction, du secret défense et autre secrets, alors que le législateur aurait pu tirer des conclusions profitables de la jurisprudence européenne condamnant régulièrement les abus qui ont atteint les journalistes dans l’exercice de leurs fonctions.
Cette loi, fondamentale dans un pays démocratique, a été adoptée en catimini, par vote à main levée, en à peine deux heures, débat général et vote compris, un 21 décembre, alors que moins de vingt députés siégeaient en séance de nuit. Comme si la majorité gouvernementale n’en était pas fière, aucun des ministres concernés n’était présent !
Le texte adopté est resté inchangé depuis son passage devant les sénateurs, et le gel inexplicable qui a suivi, pendant plus d’un an. La France aurait donc pu s’épargner quatre ans de retard sur la Belgique.
Aux journalistes maintenant de s’emparer de cette loi, de la faire vivre et de compléter le travail du législateur, chaque fois que cela sera nécessaire, par l’application du droit européen. Ils peuvent compter sur le SNJ pour les y aider.